Engagement pour la protection des droits et de la dignité des migrants en République dominicaine

« Lève-toi, fuis… Hérode va chercher l’enfant pour le faire mourir » (Mt 2,13)

Un grand silence s’est installé lorsque Dominga a proclamé la prière universelle lors de la messe dédiée aux mères dans la chapelle Notre-Dame de Fátima des Filles de Marie, dans le batey « La Higuera », à El Seibo. Après avoir lu plusieurs intentions, elle a levé les yeux et dit : « Prions pour toutes les mères du monde, en particulier les nôtres, et celles qui, en raison de leur situation migratoire, accouchent chez elles par peur d’être expulsées. Malgré les difficultés, elles sont courageuses, risquant leur propre vie pour donner la vie. Prions ». À ce moment-là, j’ai ressenti de la colère face à la persécution féroce et à la chasse aux migrants haïtiens ou à leurs descendants nés sur le sol dominicain, à toute heure du jour et de la nuit. Mais aussi de la joie, car avec humilité et courage, une voix s’élevait contre des décrets aussi inhumains.

Dans ce contexte, le 2 juin 2025, s’est tenue la célébration « La solidarité est mon drapeau », organisée par le Collectif Migration et Droits Humains. Lors de cet événement, il a été demandé au gouvernement dominicain de mettre fin immédiatement à la déportation des mineurs non accompagnés, afin de protéger leurs droits et garantir leur intégrité. Il a également été exigé de cesser les arrestations et expulsions des femmes enceintes, des mères avec leurs nourrissons et des personnes âgées, car ce sont des groupes vulnérables nécessitant une attention humanitaire spécifique. En outre, il a été réclamé le retrait du personnel de la Direction Générale de la Migration des centres de santé, leur présence dissuadant l’accès universel aux soins médicaux et instaurant un climat de peur. L’un des moments les plus marquants fut la dénonciation répétée de cas d’agressions physiques et sexuelles, de vols, d’arrestations nocturnes sans mandat judiciaire, de séparations forcées de familles et de détentions arbitraires, y compris de personnes avec des documents en règle.

Il est frappant de comparer la position exprimée par Luis Abinader, alors dirigeant du Parti Révolutionnaire Dominicain, dans un discours prononcé à l’Université Autonome de Saint-Domingue, le 5 décembre 2013, suite à l’arrêt TC/0168/13 du Tribunal Constitutionnel :

« Ou bien on défend la dignité humaine, ou bien on s’y oppose. Des décisions injustes et peu civilisées retirent à des Dominicains, au visage différent, leur droit à la nationalité. Aujourd’hui, nous sommes ici pour leur exprimer notre solidarité. Je suis moi-même descendant d’immigrés. Mon histoire personnelle ressemble à celle de nombreux concernés. Un pays civilisé ne peut tolérer aucune forme de discrimination. La Constitution et la loi sont de leur côté. Les accords internationaux signés par le pays nous obligent à respecter leurs droits. Vous n’êtes pas seuls. Comptez sur moi jusqu’à ce que la peur disparaisse et que nous redevenions la République dominicaine solidaire et unie que nous sommes censés être. »

Un contraste saisissant avec son discours présidentiel du 6 avril 2025, présentant 15 mesures destinées à contenir la migration haïtienne. Sur les réseaux sociaux, on peut facilement comparer ces deux visions opposées de la réalité migratoire.

Un exemple concret de la dureté de ces mesures s’est produit à El Seibo : la onzième mesure impose aux agents des hôpitaux publics du SNS d’exiger une carte d’identité, une attestation d’emploi et une preuve de domicile ; de plus, les services doivent être payés. Si aucune de ces conditions n’est remplie, le patient sera soigné, puis immédiatement expulsé après rétablissement.

Le 17 mai 2025, Lourdia Jean Pierre, haïtienne de 32 ans, enceinte, est morte à Pedro Sánchez, victime de la peur. Les douleurs de l’accouchement ont commencé à 5 heures du matin. Par peur d’être arrêtée et expulsée, comme d’autres femmes haïtiennes enceintes, elle n’est pas allée à l’hôpital. Elle a accouché seule, par terre, chez elle, avant de mourir d’une hémorragie et de tremblements causés par la panique. Elle laisse deux enfants orphelins. Après l’accouchement, les voisins ont appelé le 911. Son bébé a été transporté à l’hôpital, mais le père a été arrêté par les agents de migration, avec l’intention de l’expulser avec le nouveau-né. Le corps de Lourdia est resté au sol, sans qu’un médecin légiste ou un procureur ne vienne. Avec l’aide des voisins, une boîte fut trouvée et elle fut enterrée sans veillée funèbre – comme si sa vie ne comptait pas, comme si sa mort n’avait affecté personne.

On ne peut pas appeler cela une politique publique : cela viole la dignité humaine et le droit universel à la santé. L’article 61 de la Constitution dominicaine affirme :

« Toute personne a droit à la santé intégrale. L’État doit protéger la santé de tous, en assurant la prévention, le traitement des maladies, l’accès aux médicaments de qualité et des soins gratuits. »

La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, article 25, stipule :

« 1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux et les services sociaux nécessaires. »

Enfin, l’Agenda 2030 l’ONU, adopté en 2015, affirme dans son objectif 3 :

« Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être à tout âge. »

Hérode est toujours vivant, incarné dans ces lois et pratiques contraires à la volonté de Dieu – dont le désir est que l’homme vive – et à l’esprit de Jésus de Nazareth, qui parcourait la Galilée « proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute infirmité parmi le peuple » (Mt 4,23).

Frère Miguel Ángel Gullón Pérez, OP

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