Vendredi, le 5 août 2022
Vêpres de l’anniversaire de la mort de Saint Dominique
L’Esprit de Dieu a suscité Dominique, messager qui traverse des monts, des vallées, des collines et de vastes pleines, en annonçant la Parole du salut, en annonçant la paix. Et Dominique se fit prière, gémissement et pleurs, et de ses nuits en vigile et de sa marche résistant la fatigue le Père, qui entend toujours les cris de son peuple, a su arracher de Dominique des paroles de grâce, de vie et de miséricorde.
Dominique n’a pas voulu que cela fût seulement quelque chose de personnel, c’est pourquoi il a promu la création d’un Ordre de Prêcheurs, c’est-à-dire d’hommes et de femmes égaux en leur dignité et, d’une manière ou d’une autre, chacun selon ses charismes particuliers, tous et toutes entièrement dédiés au ministère de la Sainte Prédication pour le salut des âmes.
Proclamer la Parole du salut signifie passer de l’amertume devant l’erreur et le péché, devant la mensonge et le latrocinium à l’exaltation, à la fête de celui qui se sait libéré, à la consolation de la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Et c’est là notre mission, notre mission compassive, notre mode particulier de vivre la charité: faire raisonnable et compréhensible notre foi et donner raison de notre espérance; être témoins et signes prophétiques de Jésus Christ, de son Royaume qui est proche.
Aujourd’hui on pourrait penser que notre monde ne veut ni ne sait pas qu’il ait besoin d’un salut quelconque. Il ne cherche une quelconque vérité, et il ne se soucie pas non plus du mensonge. Un monde qui ne se sent volé que si on lui proclame un dieu, n’importe quel dieu, parce qu’il l’entend comme fictif et inutile. Notre monde, particulièrement quelques parties de notre monde, est composé de réalités et de personnes totalement indifférentes, qui dans leur silence manifestent la nullité de tout, l’inutilité de tous. Et leur indifférence s’étend aussi au prochain qui gît au bord du chemin de la vie.
Mais n’oublions pas qu’il n’y a pas de cri plus bruyant que celui qui ne produit aucun son; et il n’y a pas de faim pire que celle de celui qui a oublié ce que c’est que manger. Dans le silence de l’indifférence, nous les humains nous urgeons une réponse qui écoute et accueille, une réponse compassive, un témoignage de vraie miséricorde.
Et nous, et moi, messager de paix, porteur de compassion et de consolation, où en suis-je? Qui j’écoute? De qui ai-je compassion?
Vivre dans le mensonge est facile pour moi, il suffit que je ne voie pas Jésus en celui qui est différent de moi et qui m’interpelle; il suffit de nier le Christ là où le Christ veut que moi je l’annonce, où il veut que moi je proclame sa Paix et son Salut. Nous sommes prêcheurs pour le salut des âmes, de toutes les âmes. Telle est notre mission et, dans notre mission, de même que le Christ, nous trouvons notre croix qui est un symbole de mort, mais qui embrasse la résurrrecction, que embrasse le résuscité. “Prends ta croix et suis-moi”. Dénie-toi toi-même et vis entièrement pour le Royaume de Dieu!
Mais si je ne vois que moi-même, si je ne regarde et n’écoute que moi-même, que ce qui est à nous, si je n’entends que ce qui est à nous, alors qui aura compassion de moi? Où trouverai-je compassion?
Car personne n’a été envoyé se prêcher lui-même, ni proclamer ses vérités, ses philosophies, ses théologies ou ses bonnes coutumes. Nous avons été envoyés tous prêcher le Christ et le Christ crucifié, cri déchiré, Parole du Salut. Ce n’est pas une question de markéting, c’est une question de vie: À qui est-ce que je livre ma vie? Qu’est-ce que j’espère en échange?
Moi, nous, nous espérons le même salut que nous annonçons. C’est pourquoi nous portons sa croix sur notre dos et nos épaules. Car nous ne sommes pas plus que notre Maître. Car nous le suivons, Lui, et nous montons avec lui vers Jérusalem et traversons le mont, oui, le mont des oliviers. Seigneur, que ta volonté soit faite, ta volonté de vérité, de paix, de consolation, de salut.
St Paul nous apprend que, sur notre dos et nos épaules, nous portons le poids de nos frères et soeurs, le poids de l’humanité fragile, douloureuse et nécessitée de rédemption. Nous portons aussi le poids de l’humanité indifférente. C’est ainsi que l’apôtre explique la charité et la compassion.
Porter la croix avec celui qui crie et qui pleure, même s’il n’est pas conscient de ce qu’il fait, car il ne s’entend pas non plus lui-même. Porter la croix en éprouvant la faim de justice avec celui qui éprouve cette même faim, même s’il a cessé d’espérer sa satiété.
Porter la croix avec celui qui éprouve la soif de la vérité, en éprouvant moi- aussi la sécheresse sur mes lèvres, en souhaitant moi-aussi la source de la sagesse.
Seigneur, que nous les Prêcheurs nous sentons la clameur de l’humanité, oeuvre de tes mains. Que, compassifs, nous pleurons avec ceux qui pleurent, pour que nous ne nous installions dans le mensonge; pour que nous ne vivions pas dans le domaine de l’oppression; pour t’annoncer Toi, toujours Toi, Toi seul, qui es la Paix, l’unique Paix; pour te savoir proche même de celui qui te nie ou te méprise. Seigneur, que les Prêcheurs puissions nous regarder dans les yeux de Dominique; que nous puissions jouir de la chaleur
de son embrassement et nous sentions compatissés et aimés par celui qui nous est plus utile au ciel que tout ce qu’il a pu l’être sur la terre.
Ainsi soit-il.
Le fr. Felipe Trigueros Buena, OP