Vita Consacrata – Iubilaeum 2025
La joie suscitée par les paroles du cardinal Ratzinger n’a pas perdu de son actualité.
C’était le grand jubilé de l’an 2000 et je marchais vers le Vatican avec une autre sœur. Un homme aux cheveux blancs portant une mallette de cuir s’est approché. J’ai demandé : « Est-ce que ce ne serait pas le cardinal Ratzinger ? ». La sœur m’a répondu : « Oui, et je le connais. Voulez-vous que je vous présente ? » J’ai répondu par l’affirmative, avec enthousiasme, et elle m’a présenté à lui. Je l’ai remercié pour son inlassable service à l’Église. Il a vu mon habit blanc et m’a immédiatement demandé : « Êtes-vous dominicaine ? Etes-vous de Nashville ? » J’ai répondu que oui, et il m’a regardé droit dans les yeux.
J’avais été élève des Dominicains de Nashville et j’aimais leur fidélité joyeuse au Christ et leur prédication fidèle de la Parole, mais j’étais aussi quelque peu partagée. Mère Teresa de Calcutta avait été une source d’inspiration majeure pendant ma période de discernement et je me demandais souvent si j’étais bien sur le chemin que Dieu avait choisi pour moi.
Le cardinal Ratzinger m’a dit, comme s’il lisait dans mon cœur : « Ne pensez pas que vous devez tout faire dans l’Église. Dieu suscitera ceux et celles qui s’occuperont des pauvres. Il vous a appelée à être dominicaine, et le monde n’a jamais eu autant besoin du charisme de l’Ordre dominicain qu’aujourd’hui. Allez de l’avant et soyez une dominicaine fidèle. » J’ai vraiment senti que Dieu lui-même confirmait mon appel à vivre la magnifique vie de prière, d’étude contemplative, de communauté et de prédication fondée par saint Dominique.
Au cours de ce même été, j’ai eu la chance de partir en pèlerinage sur les traces de saint Dominique. Caleruega, le lieu de l’enfance de Dominique, m’a captivée par ses paysages accidentés enveloppés de silence. En regardant le vaste horizon où la terre ferme rencontre le ciel ouvert, il était facile d’entrer dans la contemplation de Dieu. Lorsque nous avons quitté l’Espagne et pris l’autocar pour la France, nous nous sommes rendues à Toulouse, où l’Ordre s’était implanté près de l’université de la ville. Au début, les manifestations de rue, les foules bruyantes et agitées m’ont inquiétée et déstabilisée. J’avais envie de retrouver le silence et la solitude de Caleruega.
C’est alors que j’ai pris conscience d’une chose qui n’a jamais quitté mon esprit et mon cœur. C’est précisément pour Toulouse que Dominique a été préparé par Caleruega. La prière profonde de Dominique l’avait tellement uni à Dieu et il était si plein des richesses de la Parole de Dieu, qu’il pouvait aller vers les foules et la vie trépidante des villes avec une grâce transformatrice. C’est parce qu’il s’était profondément imprégné de la Parole de Dieu qu’il pouvait prêcher avec efficacité.
Au cours des 25 années qui ont suivi ce grand jubilé, j’ai réfléchi à la manière dont, chaque jour, les dominicains sont appelés de Caleruega à Toulouse. Nous écoutons Dieu dans la prière et l’étude dans le cloître et dans la sagesse acquise par notre vie commune. Puis nous sommes envoyés vers ceux que nous rencontrons avec un message de grâce et de paix. Nous partons des profondeurs contemplatives de Caleruega pour aller vers les aventures apostoliques de Toulouse chaque jour et à chaque saison de notre vie dominicaine.
Alors que nous célébrons le Jubilé de 2025, nous sommes invités à cheminer ensemble dans l’espérance. Notre contemplation dominicaine de la Parole nous donne toutes les raisons d’espérer en réfléchissant à la fidélité de Dieu à ses promesses, non seulement tout au long de l’histoire du salut, mais aussi dans l’histoire de l’Ordre des Prêcheurs. Saint Dominique était enflammé par l’espérance, certain que la prière, la pénitence et la prédication pouvaient glorifier Dieu et contribuer au salut des âmes. À une époque où une surabondance de mots contradictoires et un sentiment croissant d’isolement conduisent de nombreuses personnes à s’interroger sur le but et le sens de la vie, la prédication dominicaine de la Parole de Dieu et l’appel à vivre en communion avec Dieu et avec les autres offrent exactement ce dont les âmes en recherche ont besoin. Ce que le cardinal Ratzinger m’a dit il y a 25 ans n’a rien perdu de sa pertinence : « Le monde n’a jamais eu autant besoin du charisme de l’Ordre dominicain qu’aujourd’hui. »
Que les grands saints de l’Ordre des Prêcheurs prient pour nous, afin que tous les membres de la famille dominicaine rayonnent de la joie et de la passion de saint Dominique et prêchent le Christ de manière renouvelée par leur vie et leurs paroles.
Notice biographique : Sœur Mary Madeline Todd, OP, est une sœur dominicaine de la congrégation Sainte-Cécile de Nashville, dans le Tennessee (Etats-Unis). Elle a obtenu son doctorat en sacrée théologie à l’Angelicum de Rome. Pendant plus de trois décennies de vie dominicaine elle a servi de différentes manières : par son enseignement, ses conférences, ses articles et la prédication de retraites.
