<< Que voulait-il me dire d’autre ? >>

Frère Philip Bernard McShane, OP (photo par David Rocks)

Frère Philip, un homme dont on se souviendra pour sa gentillesse, son excellence intellectuelle et son authentique charité fraternelle.

La dernière fois que j’ai eu une conversation privée avec Philip, c’était à la fin de la semaine dernière. Il transportait des étagères dans la nouvelle bibliothèque du Priory Institute et je lui ai demandé comment il allait. Il m’a répondu qu’il allait bien, qu’il allait voir son conseiller le mercredi 18 octobre et qu’il m’en dirait plus, plus tard.

Le mercredi 18, lorsque je suis arrivé à son chevet, il venait de mourir. Assis avec sa famille et regardant Philip, je n’ai pu m’empêcher de penser : « Qu’est-ce qu’il allait me dire de plus ? » Et en le regardant, dans le silence de la mort, je savais qu’il m’invitait à m’interroger sur ce “plus”. La grande question que la mort nous pose à tous est la suivante : y a-t-il plus ou est-ce tout ? J’étais assis là, pensant : « Philip, tu en sais maintenant tellement plus, comme j’aimerais que tu me le dises. »

Ce “plus” ? Est-ce Aristote qui a dit que l’esprit est tout ? Cette fascination pour le “plus” est à la base de toute découverte intellectuelle et, en fait, le cœur même de la quête religieuse.

Récemment, j’ai lu et écouté les méditations que le frère Timothy Radcliffe, OP, a adressées aux membres du Synode réunis à Rome lors de la retraite précédant l’assemblée synodale. Comme on peut s’y attendre, Timothy a beaucoup de choses merveilleuses à dire. Dans l’une de ses méditations, il dit : « L’identité chrétienne est à la fois connue et inconnue, donnée et à rechercher. Saint Jean dit : « Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu ; ce que nous serons n’a pas encore été révélé. Ce que nous savons, c’est que lorsqu’il apparaîtra, nous lui ressemblerons, car nous le verrons tel qu’il est » (1 Jean 3, 1 – 2). Nous savons qui nous sommes, et pourtant nous ne savons pas qui nous serons…” (Méditation 2)

Le fait de savoir et pourtant de ne pas savoir est le lieu merveilleux de la découverte, à la fois intellectuelle et spirituelle. C’est un lieu que Philip habitait joyeusement et qu’il nous invitait à rejoindre, nous ses amis et ses étudiants. Comme nous le savons tous, il avait une étonnante capacité à s’intéresser et à s’émerveiller. Son ouverture à d’autres personnes, théologies et philosophies, tant orientales qu’occidentales, à la technologie, voire à de nouvelles galaxies, tout cela rencontré avec calme et gentillesse, témoigne de la facilité avec laquelle il vivait le “plus”, dans le connu et dans l’inconnu. Tout cela, bien sûr, s’appuyait sur sa foi dans le mystère du Dieu vivant, dans les richesses insondables du Christ.

Il est facile de célébrer les capacités intellectuelles et la profondeur spirituelle de Philip, mais je crois que cette capacité à s’intéresser à ce “plus” lui a permis de faire preuve d’une merveilleuse charité à l’égard de tous ceux qu’il rencontrait. Son authentique charité chrétienne lui permettait d’écouter et de parler aux plus riches des riches et aux plus pauvres des pauvres avec la même gentillesse et la même générosité. Il savait que le plus grand “plus” que nous puissions trouver dans notre vie quotidienne est le “plus” de la personne qui se trouve en face de nous. Il traitait toujours toutes les personnes qu’il rencontrait avec un profond respect et une attention sincère, car il savait que chaque personne était “plus ” que ce qui était évident à première vue, dans sa façon de s’habiller ou sa position dans la société.

A bien des égards, il était un modèle de dominicain grâce à son ouverture au “plus”, peut-être était-il plus un Albert-le-Grand qu’un Thomas d’Aquin, Fribourg était plus dans ses os intellectuels que Rome ou Paris. Sa fascination innocente pour les nouvelles découvertes et les nouvelles technologies faisait partie de son ouverture à ce “plus”. Le plaisir qu’il éprouvait à vous parler de la découverte de nouvelles galaxies ou à vous dire qu’il avait trouvé le meilleur téléphone portable pour sa sœur Kathleen, dénotait une lueur de joie enfantine pour les nouvelles découvertes.

Frère Conall O Callaghan, Père Eddie Conway (prieur), Père Philip McShane (maître des novices) et Frère Paul Hughes après la réception des novices (2010.09.14)
Photo de Reception of the Habits 2010 – Luuk Dominiek Jansen, OP

Notre cher frère, enseignant, guide et prêtre nous demande aujourd’hui de prendre conscience de ce “plus” et de nous y ouvrir. Les derniers mots qu’il a adressés à son prieur mercredi matin ont été : « nous laisserons cela entre les mains de Dieu », un merveilleux témoignage final de sa foi dans le “plus” qui, pour lui, comme pour nous les croyants, est fondamentalement Dieu et le mystère de Dieu révélé dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus-Christ.

Pour nous, le “plus” n’est pas une énergie sans visage aux proportions inconnues, mais un Dieu d’amour qui peut, d’une manière inconnue, nous prendre dans ses mains et nous tenir à ses côtés. C’est entre ces mains inconnues (saint Augustin parlerait d'”ignorance savante”) que nous confions notre frère bien-aimé, certains, comme Philip, qu’il n’y a pas d’endroit plus sûr pour se reposer et être en paix.

Dans sa première lettre aux Corinthiens, saint Paul écrit : « Maintenant, nous voyons comme dans un miroir, faiblement, puis face à face. Maintenant, je connais tout imparfaitement ; alors, je connaîtrai comme Dieu me connaît. » (1 Co 13,12)

Maintenant, le “plus” s’est fait connaître à Philip, maintenant il sait comment il est connu, maintenant il sait comment il est aimé, aimé d’une manière à laquelle nous ne croyons ici que par la foi. La foi en Dieu de Philip lui a permis d’affronter la mort, confiant dans la recherche d’un “plus” et d’être en paix, là où nous croyons que, comme saint Jean nous l’enseigne dans l’Ecriture, « nous serons comme lui, car nous le verrons tel qu’il est ».

Philip était bien connu dans l’Ordre car il a participé à plusieurs chapitres généraux de l’Ordre, à diverses réunions de provinciaux et vicaires provinciaux d’Europe (IEOP) et à d’autres réunions internationales en tant que traducteur, en particulier du français vers l’anglais.

Philip McShane, OP, fils de la province d’Irlande, est né à Dublin le 9 juillet 1946. Il est entré au noviciat de la province dominicaine irlandaise en 1964 et a fait sa première profession l’année suivante. Il a étudié la philosophie et la théologie à l’école dominicaine de Tallaght et a été ordonné prêtre le 4 juillet 1971.

Après son ordination, il a obtenu un diplôme de théologie à l’université de Fribourg (Suisse) en vivant au couvent dominicain de Saint-Hyacinthe dans cette ville, où l’on se souvient de lui pour sa gentillesse et sa générosité. De retour en Irlande, il a passé la majeure partie de sa vie à enseigner la théologie et la philosophie. Il a enseigné dans plusieurs instituts universitaires en Irlande ainsi qu’à Providence College (Rhode Island) aux États-Unis. Entre 2001 et 2012, il a été maître des novices dans la province d’Irlande. Il était également un musicien et un artiste accompli. Il est décédé à l’hôpital Saint Vincent de Dublin, le mercredi 18 octobre.

Philip était un homme d’une profonde charité dont l’aide aux pauvres et aux sans-abris lui vaudra sans aucun doute d’être accueilli dans le royaume des cieux. Sa gentillesse, son excellence intellectuelle et son authentique charité fraternelle resteront dans la mémoire de nombreux frères de l’Ordre.

Frère John Martin Harris, OP
Prieur provincial de la province d’Irlande

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