Ministres de la miséricorde et de la compassion

Les mains guérisseuses de saint Martin de Porres, OP (Robert F. McGovern)

Les Frères de l’Ordre apporter à notre Église espoir et guérison

Traditionnellement, les ministères des Frères1 de l’Ordre ont consisté en grande partie à fournir des services à leur propre communauté. Ils se sont rarement engagés dans des ministères au-delà des limites de leurs communautés. Souvent, ces ministères sont restés cachés et inaperçus.

Tous les frères de l’Ordre assument la responsabilité de la prédication et du salut des âmes. Les Frères Dominicains exercent le privilège, le droit et la responsabilité de réaliser la Sainte Prédication, mais ce à partir d’une grande variété de chaires ; d’aller là où l’évangélisation est désespérément nécessaire parmi les pauvres, les démunis, les abandonnés et ceux dont personne ne veut.

Prêchant depuis de nombreuses chaires, les frères dominicains répondent, non seulement avec des paroles, mais avec la Parole de Dieu qui vit dans leur cœur. C’est en effet le privilège du Frère Dominicain que d’annoncer le Royaume de Dieu à tous ceux qui aspirent au message du salut, en particulier parmi les personnes qui se trouvent dans des circonstances où leurs frères prêtres n’ont encore pas pu se faire présents.

Le ministère de saint Martin de Porrés, lui, s’est exprimé à travers une autre voie d’évangélisation, celle du soin auprès des malades et des mourants de sa communauté dominicaine, de ceux qui dans les rues de Lima étaient méprisés, et de ceux qui n’avaient pas d’espérance et n’étaient pas aimés. Désigné comme infirmier de sa communauté dominicaine, qui comptait alors près de trois cents frères, Martin exerça auprès des frères de sa communauté les compétences qu’il avait acquises comme barbier-chirurgien. Prendre soin de ses frères au sein de sa communauté a été sa première prédication. Martin s’occupait également de ceux qui se présentaient à la porte du Couvent pour demander de l’aide. Cependant, tant préoccupé qu’il était de pouvoir rencontrer les gens en situation d’abandon qui avaient besoin d’aide, Martin parcourait les rues de Lima et ramenait les malades et les sans-abris à la maison et jusque dans sa cellule pour les nourrir et soigner leurs blessures.

La compassion et la charité de Martin pour les malades et les personnes âgées, en apportant l’Évangile de l’espérance et de la guérison à ceux qui étaient mal aimés, orphelins et sans abri dans les bidonvilles et les quartiers de Lima, à ceux qui souffraient de maladies ou de modes de vie stigmatisés, voilà l’expression vivante qu’il portait de la vie de saint Dominique en tant que ministre de la miséricorde et de la compassion envers tous ceux qui étaient en détresse. Son engagement dans le soin auprès des pauvres et des malades de Lima a abouti à la création d’un orphelinat et d’un hôpital pour enfants.

Apporter à notre Église espoir et guérison

Que signifient pour nous aujourd’hui la vie et le ministère de saint Martin de Porrés ? Quels thèmes évidents de sa vie orante et contemplative, de prédication et d’évangélisation sont pertinents pour notre monde global et pour notre propre réponse de ministres de l’Évangile ?

Notre Église a été blessée au plus profonde par la pathologie de l’abus sexuel d’enfants et de personnes vulnérables. Dans la profession de soigneur, la cicatrisation d’une plaie ne se produit qu’après que tous les tissus morts ont été retirés et que le virus ou la bactérie responsable de l’infection a été éliminé grâce à l’utilisation d’antibiotiques spécifiques à la maladie et à un traitement attentif de la plaie. Avec l’excellence des soins prodigués, sous la supervision attentive de cliniciens compétents, de nouvelles cellules sont libres de se développer, de se multiplier et de mûrir en tissus et en systèmes immunitaires dynamiques et sains qui favorisent et entretiennent une force durable dans tout le corps qu’est l’Église.

Pour accomplir cette guérison des plaies dans l’Église, sont nécessaires de toute urgence de nouveaux ministères de religieux, hommes et femmes, de conseillers qualifiés et de cliniciens expérimentés dans les soins de santé et les traumatismes, afin de répondre, de manière nouvelle et différente, à la catastrophe morale qui est à l’œuvre dans l’Église et dans notre culture. Compte tenu des problèmes actuels, il est urgent de mettre en place un nouveau ministère de guérison par le moyen de l’éducation et d’initiatives collaboratives, de rencontres directes avec les individus et les groupes. Cela exigera de multiples initiatives avec d’autres ministères établis et d’autres congrégations. Il faudra que les ministères de l’Église universelle assument ce défi et apportent une guérison et une espérance durables à nos sœurs et frères qui souffrent et aux communautés blessées de l’Église et de notre monde global.

En suivant les ministères de saint Martin de Porrés, OP, et en répondant à l’appel du Pape François2 et du Maître de notre Ordre3 en tant que prédicateurs de la grâce et en tant que missionnaires et disciples de l’espérance et de la guérison, nous devons ouvrir nos cœurs et accueillir ceux qui vivent dans les marges les plus distantes de la société – des marges que la société a elle-même créées – pour accueillir dans la famille humaine ceux dont les voix ont été étouffées par l’indifférence humiliante des autres, pour soigner ces blessures en réaffirmant leur dignité humaine, leur liberté et en promouvant l’épanouissement humain4. Il s’agit d’un appel unique à une mission prophétique où les Frères dominicains, voués à la Parole, peuvent proclamer le charisme de notre Ordre et apporter la guérison et l’espérance à une Église blessée.

Dans son amour pour l’Église, à toute époque, le Christ appelle des personnes à prendre soin de son peuple. Dès avant le début des temps, les frères dominicains sont appelés à participer à la nouvelle évangélisation pour ce temps, pour ce temps et pour le monde. Les Frères dominicains répondent à cet appel radical qu’évoque l’évangélisation : croire et proclamer que toute personne qui naît dans le monde est digne de respect et d’un amour illimité, quelles que soient les raisons de sa situation ou de sa position dans la vie. Les Frères dominicains acceptent l’appel radical à ouvrir leur cœur à ceux qui sont en quête de guérison et d’espérance, à accompagner tous ceux qui sont affectés par les circonstances des cultures d’abus, d’incivilité, de traite des êtres humains et de discrimination en raison de l’âge, de la couleur, de la culture ou du style de vie, les gens brisés, les abandonnés, les indésirables et les mal-aimés, dans leurs heures les plus sombres, où qu’ils soient et où qu’ils veuillent s’établir.

En tant que ministres de la miséricorde et de la compassion, les Frères Dominicains sont appelés à :

  1. Apporter guérison et espoir les uns auprès des autres dans les communautés ;
  2. Agir avec courage et audacieuse simplicité pour porter le Visage de Jésus, le visage de la miséricorde et de la compassion, à tous ceux qui sont touchés par cette catastrophe morale et qui sont loin de la foi, et à ceux qui ont perdu espérance et confiance dans l’Église ;
  3. Créer des chemins de bienveillance et construire de nouvelles passerelles pour que les frères et sœurs qui ont été abandonnés soient de nouveau accueillis dans la communauté de foi de l’Église, où leur dignité, leur liberté et leur épanouissement humain pourront être affirmés et protégés ;
  4. Collaborer avec d’autres pour renverser les systèmes d’oppression qui violent la dignité humaine et crucifient l’humanité5 ;
  5. Concevoir des programmes de formation, d’éducation et de ministère qui mettront l’accent sur le développement de ministres de la miséricorde et de la compassion ; et
  6. Avoir le courage et assumer l’engagement authentique de cheminer avec les plus petits, les derniers et les perdus, de les écouter et de les accompagner en tant que pèlerins du Calvaire à la recherche de la guérison, de l’espérance et de la résurrection.

Notre réponse vécue à l’accomplissement de cette mission ne sera pas plus facile aujourd’hui qu’elle ne l’était à l’époque de saint Martin de Porrés. Si nous voulons vivre notre appel à être des ministres de la miséricorde et de la compassion, nous devons rester spirituellement enracinés dans la prière et dans une dévotion sans relâche à la Sainte Eucharistie, le sacrement de la charité. À travers nos diverses rencontres avec Jésus, nous aurons le courage et la détermination, comme il l’a fait, pour nous engager dans la prédication et l’évangélisation de manière radicale – d’ouvrir des portes et des chemins nouveaux et encore inconnus, et de n’avoir pas peur de les franchir.

Comme saint Martin de Porrés, nous découvrirons nous aussi que nous sommes appelés à vivre et à servir tout au long des fractures de l’humanité, pour répondre à toutes les personnes, en particulier celles qui souffrent maltraitance et abus, pour protéger et secourir nos frères et sœurs qui vivent dans des familles, dans des communautés et dans des nations, spécialement ceux et celles qui vivent dans des conditions d’oppression qui crucifient l’humanité dans sa chair et dans son unité. Au cours de cette rencontre, nous ferons l’expérience du privilège et de la grâce de voir, de toucher, de nourrir et de prendre soin de nos frères et sœurs, qui toutes et tous révèlent le visage même du Christ caché sous d’affligeants oripeaux.

Ô Marie, protectrice de notre Ordre, et saint Martin de Porrés, ministre de la miséricorde et de la compassion, accompagnez-nous au milieu de ces ténèbres jusqu’à la nouveauté de la vie. Infusez dans les plaies de l’Église l’antibiotique de la grâce. Aidez au développement de sains ministres de la miséricorde et de la compassion, qui apportent guérison et espérance au peuple de Dieu. Soyez vigilante et veillez sur nous comme vous l’avez fait pour votre propre Fils sur le chemin du Calvaire, en route vers la Résurrection, afin que nous puissions nous aussi nous approcher de la lumière de la foi qui est Jésus Lui-même.

Amen !

Frère Ignatius Perkins, OP,
Président de la Commission Permanente pour la Vocation du Frère Dominicain Coopérateur

Fête de Saint Martin de Porres, OP
3 novembre 2023

  1. Frères encore appelés “Coopérateurs” ↩︎
  2. Pape François (2021). « Praedicator Gratiae : Lettre du Saint-Père au Maître de l’Ordre des Prêcheurs pour le 8e centenaire de la mort de saint Dominique de Caleruega », Rome : Bureau de presse du Saint-Siège. ↩︎
  3. Gerard Francisco Timoner III, OP (2021). « Praedicator Gratiae et la grâce de la prédication dans l’Église », Rome : Couvent de Sainte-Sabine, Curie Général. ↩︎
  4. Pape François (2015). « Homélie de Sa Sainteté le Pape François », Madison Square Garden : Voyage apostolique de Sa Sainteté le Pape François à Cuba, aux États-Unis d’Amérique et visite au siège des Nations Unies, 25 septembre 2015. Washington : Conférence catholique des États-Unis. ↩︎
  5. Timothy Radcliffe, (1992). « Chantez un cantique nouveau : la vocation chrétienne » (Springfield, II) : Éditions Templegate, 1992 : 242 ↩︎
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